France Relance :
quel rebond après la crise ?
Après la phase de confinement pendant laquelle le gouvernement a multiplié les mesures d’urgence destinées à protéger les entreprises de la faillite (PGE, fonds de solidarité, report/exonération de cotisations sociales, chômage partiel), voici venu le temps de la relance, malgré le deuxième confinement. Le gouvernement a présenté, le 3 septembre 2020, un plan de relance de 100 milliards d’euros, dont 40% seront financés par l’Union Européenne, soit 4 fois plus que le plan mis en place lors de la crise de 2008.
Baptisé France Relance, l’objectif annoncé de ce plan est de ramener l’activité de l’économie française en 2022 à son niveau d’avant la crise et de « construire la France de 2030 ». Ce plan s’articule autour de trois priorités stratégiques.
La première priorité concerne le renforcement de la compétitivité des entreprises et la relocalisation industrielle.
Le gouvernement y engage 35 milliards d’euros dont 20 milliards correspondent à une diminution (10 milliards sur les deux prochaines années) des impôts de production. Il s’agit essentiellement d’une diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ainsi que de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Lancée avant la crise, la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) va se poursuivre selon le calendrier prévu dans le budget de l'an passé. Les entreprises françaises verront donc toutes leur taux d’IS converger vers 25 % en 2022, avec une étape intermédiaire en 2021. Les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 250 millions paient actuellement un taux d'IS de 28 %, les autres un taux de 31 %, alors que la moyenne dans les pays développés s'établit à 23,5 % selon les données de l'OCDE.
Le soutien aux investissements dans les technologies d’avenir et le renforcement des fonds propres des entreprises arrivent également en bonne place.
Un quatrième programme d’investissement d’avenir (PIA) mobilisera, en effet, 11 milliards d’euros d’ici fin 2022 afin d’accélérer l’investissement dans les technologies innovantes. Le gouvernement va débourser 3,7 milliards d’euros pour les start-up et la souveraineté technologique, dont 2,4 milliards d’euros pour les technologies de rupture. 500 millions d’euros doivent être directement dédiés aux start-up, notamment pour soutenir les levées de fonds les plus importantes afin de faire émerger des leaders européens et mondiaux.
Deux dispositifs spécifiques vont être déployés afin de renforcer les fonds propres des entreprises :
- Une garantie publique d’1 milliard d’euros de la part de Bpifrance
Elle pourra être accordée aux organismes de placements collectifs investissant dans les PME françaises qui recevront un label «Relance».
Afin de pouvoir utiliser le label, les fonds d’investissement devront respecter les critères d’éligibilité définis dans la Charte du label «Relance».
Cette Charte impose aux fonds labellisés d’investir une partie significative de leur actif dans des entreprises françaises (fonds propres ou quasi-fonds propres), dont des PME et ETI. Elle inclut également un ensemble de critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance (ESG) qui doit guider la politique d’investissement et d’engagement actionnarial des fonds labellisés. Les premiers fonds labellisés ont été annoncés le 19 octobre 2020.
- 10 à 20 milliards d’euros sous forme de prêts participatifs pourront être accordés aux TPE, PME et ETI
Les réseaux bancaires pourront octroyer des prêts participatifs, c’est-à-dire des prêts de long terme, subordonnés et assimilés à des financements en quasi-fonds propres. Les prêts participatifs consentis par les banques pourront être refinancés par des investisseurs professionnels pour leur compte propre ou pour le compte de leurs assurés/clients. Ce dispositif sera soutenu par une garantie partielle de l’État. Cela étant, les modalités d’attribution de ces prêts restent encore à préciser : quelles seront les entreprises qui pourront en bénéficier ?
Le gouvernement va également consacrer 1 milliard d’euros pour le soutien à des projets de relocalisation industrielle sur le territoire dans certains secteurs jugés stratégiques comme la santé, l’électronique, l’agroalimentaire et les applications industrielles de la 5G.
Deuxième priorité du plan, la transition écologique bénéficiera quant à elle d’une enveloppe de 30 milliards d’euros avec deux objectifs annoncés : décarboner l’économie en réduisant les émissions de carbone de 40 % d’ici 2030, par rapport à 1990 et soutenir les secteurs d’avenir en misant sur les technologies vertes (hydrogène, recyclage, biocarburants, énergies renouvelables, …).
Notamment, 7 milliards d’euros seront consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments. Le plan prévoit également plusieurs mesures visant à améliorer les infrastructures de transport et à favoriser les mobilités propres (plan vélo, aide à l’achat de véhicules propres, etc.) dont 4,7 milliards seront investis en faveur du transport ferroviaire. Un investissement massif de 7 milliards d’euros à horizon 2030 dont 2 milliards dès 2021 est également budgété pour soutenir la création d’une filière industrielle de production d’hydrogène vert.
Enfin, la troisième et dernière priorité concerne les dépenses liées à la « cohésion sociale et territoriale ». Elle dispose d’une enveloppe de 35 milliards d’euros qui comprend notamment 6,5 milliards d’euros pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail dont le « plan jeunes » annoncé en juillet dernier mais aussi les 6,6 milliards d’euros budgétés pour le chômage partiel (qui en toute logique devrait faire partie des actions de soutien à l’économie et non de sa relance à proprement parler), les 5,2 milliards d’euros d'aides aux collectivités locales et les 6 milliards d’euros d'investissement pour les hôpitaux, eux aussi déjà annoncés à l’issue du Ségur de la santé.
Le gouvernement au travers France Relance souhaite donner un nouveau regain à l’économie, et encourager les entreprises à se moderniser et à améliorer leur compétitivité tout en réduisant leur impact environnemental.
Le risque existe toutefois que ce plan de relance n'atteigne pas ses objectifs.
Tout d’abord, si le rebond de l’activité a été fort en mai et en juin après le déconfinement, depuis la fin de l’été, la reprise semble fragile et la nouvelle vague risque d’entraver cette dynamique fragile.
Un autre risque à ne pas sous-estimer est celui du délai de mise en œuvre du plan lui-même. Si l’ambition de l’Etat annoncée de redynamiser l’activité française est d’ores et déjà affichée au travers des différents appels à projet qui sont en ce moment lancés en partenariat avec des institutionnels tels que BPI France et la Direction Générale des entreprises pour soutenir des projets industriels d’investissement sur le volet territorial et national, force est de constater que de nombreux dispositifs annoncés mettrons du temps à être déployés et à produire leurs effets, alors même que la situation économique et sanitaire actuelle exige des effets positifs à très court terme.
Seul l’avenir nous dira si ce plan était bien calibré et suffisant au regard des enjeux auxquels doit faire face l’économie française. Une seule certitude : ce plan intervient à un moment charnière où les transformations induites par la crise elle-même mais aussi par la transition écologique et la digitalisation rebattent les cartes. Les entreprises françaises, qu’il s’agisse de start-up, de PME, d’ETI ou de grands groupes, doivent profiter de cette période pour consolider leurs parts de marché, repenser leur modèle économique et leur organisation managériale afin de gagner en résilience et s’inscrire dans la durabilité.
Les mois qui s’annoncent seront passionnants et de nombreuses opportunités seront à saisir pour l’ensemble des acteurs de l’économie française. « Transformer le risque en chance, la crise en opportunité », cette devise du Président de la République n’aura jamais été aussi vraie que dans le contexte actuel. |