Limiter le gâchis et développer les circuits courts :
est-ce l’avenir pour nourrir et préserver notre société ?
La crise sanitaire qui a touché la France a entrainé une vague de solidarité visible dans de nombreux domaines, incluant l’agroalimentaire. En effet, le confinement et les répercussions entrainées ont considérablement changé nos modes de consommation. Il s’agit donc de savoir si ces nouvelles pratiques alimentaires persisteront avec la reprise d’une activité économique ante crise.
La pandémie a mis en lumière certaines failles de notre système alimentaire, en particulier autour de l’approvisionnement. La fermeture des trois quarts des marchés le 23 mars 2020 annonçait donc des difficultés supplémentaires pour les petits producteurs qui vivent en grande partie grâce aux circuits courts. La fermeture des cantines scolaires et d’entreprise a aussi handicapé certains producteurs qui se sont retrouvés avec une quantité importante d’invendus. Du côté de la demande, cela a entrainé de l’insécurité alimentaire puisque la promesse d’un repas par jour n’était plus assurée. En réponse à ces nouvelles restrictions, des associations de producteurs ont donc mis en place des points de retraits ou drive pour que les consommateurs viennent directement chercher la marchandise sans intermédiaire. Ces initiatives ont également permis de maintenir les emplois des producteurs et d’éviter le chômage partiel. Outre un soutien à l’économie locale, ces pratiques étaient aussi motivées par la peur d’une contamination des produits importés ou venant des circuits longs et ont in fine permis la consommation de produits de saison. Le développement d’une conscience écologique liée à différents aspects de la crise comme la baisse du transport aérien est également visible dans notre manière de consommer.
Des initiatives gouvernementales comme le PAT (Projet Alimentaire Territorial) dans les Bouches du Rhône ont ainsi permis d’assurer la sécurité alimentaire des familles les plus démunies grâce à des paniers solidaires réalisés avec les produits de producteurs de proximité. Cette intervention est particulièrement efficace puisqu’elle bénéficie aux producteurs et aux consommateurs. Les collectivités ont joué un rôle central malgré un temps d’adaptation important comme les départements de la Manche et du Gard qui ont acheté des produits aux producteurs de proximité afin de les donner à des associations. Ainsi, la France, contrairement au cas étatsunien, n’a pas connu de désert alimentaire grâce à la couverture des producteurs et associations.
Du côté des consommateurs, on observe également une plus grande attention portée à l’alimentation et aux produits utilisés comme ceux aux appellations d’origine contrôlée ou protégée. Le contrôle de la qualité et de l’empreinte écologique des produits importés est une autre conséquence positive de la crise. Les produits frais et laitiers (+16%) de même que les œufs ont d’ailleurs connu une forte hausse de consommation au début du confinement avec une hausse du nombre de préparations faites au sein du foyer.
Après ce constat, il convient d’étudier la pérennité de ces pratiques et initiatives. Tout d’abord parce que les municipalités ont cherché à mettre la question des circuits courts et de la gestion alimentaire au cœur de la campagne du second tour. En effet, la crise a permis de mettre en lumière toutes les dépendances alimentaires, notamment étrangères et la nécessité de privilégier une approche territoriale. Malgré la peur d’une pénurie alimentaire, les initiatives d’acteurs agroalimentaires, associatifs et gouvernementaux ont permis de répondre aux défis liés à la pandémie. À l’échelle nationale, la dépendance alimentaire a cependant été remarquée dès le début du confinement à cause de l’absence de stocks stratégiques alimentaires en France. Il apparait nécessaire de re-territorialiser la production en particulier les protéines végétales comme le soja qui servent à nourrir le bétail puisque la France ne produit que 1/10 de ses besoins. Lors de son allocution du 12 mars 2020, Emmanuel Macron a d’ailleurs affirmé que « Déléguer notre alimentation (…) est une folie ». La question reste de savoir si un vrai plan sera mis en place afin de regagner une partie de notre souveraineté alimentaire, indispensable en temps de crise.
À l’inverse, d’autres pays comme les États-Unis et l’Argentine se sont retrouvés avec un surplus agroalimentaire puisqu’une grande partie de leur économie est basée sur l’exportation. Il y a donc eu une destruction et un gâchis alimentaire important ce qui entraine une perte monétaire et symbolique, alors que d’autres pays sont fortement touchés par la famine. À l’échelle mondiale, une meilleure gestion des stocks et de l’approvisionnement s’avère donc nécessaire. Le gâchis alimentaire est en effet un des grands défis auxquels nous devons faire face : même si ces problématiques sont visibles depuis plusieurs années, la crise a permis de les mettre en lumière mais aussi de montrer des élans de solidarité qui ont permis de lutter contre cette tendance. Ainsi en France, le Syndicat du Chocolat a distribué 7 millions de produits aux chocolats dans les hôpitaux, cliniques, EHPAD ou encore associations répartis sur l’ensemble du territoire afin de lutter contre le gâchis des chocolats de Pâques touché de plein fouet en début de confinement.
Enfin, les habitudes de consommation ont changé post confinement. Durant la semaine du 11 mai a d’ailleurs été observé une augmentation exponentielle des ventes d’alcool (+23%) alors que ces dernières avaient connu un recul. L’e-commerce, la livraison à domicile et les aliments préparés ont également été plébiscités pendant la pandémie. Ces tendances devraient continuer avec le déconfinement malgré une baisse de la livraison de nourriture en lien avec la réouverture des restaurants.
La crise du coronavirus a permis de mettre en évidence des mouvements de solidarité à plusieurs échelles, en réponse à des problématiques urgentes. Certaines habitudes alimentaires prises par les Français pendant le confinement comme la consommation de produits locaux et de saison devraient perdurer avec le retour à la vie normale. Cependant, la continuité des initiatives étatiques reste questionnable, surtout à l’échelle nationale. À l’inverse, le rôle des villes, particulièrement mis en avant à l’approche des élections municipales paraît plus facilement réalisable en collaboration avec les associations. Alors que notre mode de vie entier est remis en question, nos pratiques de consommation doivent également être revues dans une optique plus durable et solidaire.
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