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Points de vue
 
 
 
 

Didier Alleaume

Associé
Grant Thornton
 
 
Les néo-banques au pouvoir ?

Le secteur bancaire vit des heures inédites, où l’impact économique de la pandémie va venir percuter la transformation digitale en cours du secteur. Les défis, déjà immenses, vont-ils devenir impossibles ?

Jusqu'alors, le marché et les clients étaient tout à leur observation de la rude concurrence entre les banques « traditionnelles » et les « néo-banques » qui venaient perturber l’ordre établi avec leur offres Digitales natives. Plusieurs générations de ces acteurs sont déjà à pied d’œuvre sur le marché français, des pionnières telles que Boursorama, en passant par ING Direct et Fortunéo puis Orange Bank, N26 et REVOLUT au succès commercial indéniable. Sur le marché de la banque de détail, les jeux semblaient faits, à l’avantage des turbulents nouveaux entrants : la valorisation de REVOLUT atteint déjà la moitié de celle de la Société Générale…

Et vint la pandémie, qui mit le monde à l’arrêt et la croissance économique aux oubliettes. L’impact pour les banques est attendu tel un tsunami de défauts de paiements avec des estimations jusqu’à 10% pour les emprunteurs bénéficiant des notations de crédit les plus faibles, soit plus de 3 fois le taux normal.
Frédéric Oudéa, patron de la Fédération Bancaire Française et de la Société Générale, déclarait au début du mois : « Les banques vivent un stress test grandeur nature. »

L’autre effet de la pandémie est la validation de la (quasi) inutilité des agences bancaires.
Avec près de 40% des agences fermées en France durant le confinement, force est de constater qu’il n’y a pas eu de « bank run » et que l’essentiel des transactions ont été correctement traitées.
L’usage de la banque à distance apparait ainsi bien intégré par les clients.

Alors, est-ce la « stairway to heaven » pour les néo-banques ?
Tout n’est pas simple : le superviseur des banques en France, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (« ACPR ») vient de publier une étude sur les néo-banques qui met en lumière quelques faits. En premier lieu, la rentabilité n‘est généralement pas là. Hormis quelques cas, telle la doyenne Boursorama, les néo-banques ne gagnent pas d’argent, la faute à une politique de subventionnement de nouveaux clients (parrainages, primes, gratuité, …), à une stratégie de conquête effrénée de la clientèle et à une offre de services assez concentrée. Au-delà de la publication de chiffres de nouveaux clients, l’ACPR constate que le taux de mobilité bancaire, estimé à 4,5 % en 2014, atteint aujourd’hui seulement 4,8 %. L’effet d’une exception française où le conservatisme serait de mise ? Un indicateur tendrait à le confirmer : le taux de variation du nombre d’agences bancaires. Entre 2007 et aujourd’hui, le nombre d’agences a varié de -10% en France tandis qu’il baissait de 30% en Allemagne, 40% en Espagne et même 60% aux Pays-Bas.

Pour les néo-banques, la réalité est parfois rude, avec plusieurs arrêts récents, telle C-zam du groupe Carrefour, des recentrages d’activité tel Ditto ou des chutes spectaculaires telle l’allemande Wirecard, spécialiste des paiements.

Qui seront les acteurs de demain ?
Evidemment, tout le monde attend les GAFA avec des moyens qui paraissent illimités et leur ADN digital. Amazon est en embuscade, TikTok ambitionne une licence bancaire et WhatsApp vient d’annoncer avoir choisi le Brésil pour lancer ses activités de paiements et de transfert de fonds.

Mais, il semble qu’il faille continuer à croire dans le potentiel des banques traditionnelles. Tout d’abord, en période de crise, le recours au « tiers de confiance » est plus marqué. Ainsi, les banques ont été les relais efficaces du soutien à l’économie avec plus de 100 milliards d'euros de Prêts Garantis par l’Etat distribués en quelques semaines.

Ensuite, l’avenir dépendra de la façon dont seront abordés la raison d’être des banques pour affirmer leur positionnement, le potentiel de l’IA et de la 5G pour apporter de l’instantanéité et du conseil contextualisé aux clients. De plus, leur organisation devra être pensée en écosystème dynamique plutôt qu’en organigramme figé.

Le système bancaire de demain sera certainement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le chemin sera certainement passionnant et plein de défis pour tous les acteurs mais comme le dit Benoit Grisoni, DG de Boursorama Banque « La banque, il faut que ce soit sexy » … pour les clients.

 
 
 
 
 

 
 
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