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Points de vue
 
 
 
 
Clotilde Marchetti
Associée
Business Risk Services
Grant Thornton
 
 
Entretien avec Clotilde Marchetti, Associée en charge de l’offre Risques Extrêmes
« La continuité d’activité, c’est l’affaire de tous ! Viser la survie de l’entreprise en situation dégradée nécessite de remettre en question de façon permanente les organisations de continuité définies. »


Sur quel critère, en tant que dirigeant, évaluer mon Plan de Continuité d’Activité hors crise ?

Elaboré en « temps de paix », un Plan de continuité d’activité (PCA) repose par définition sur une approche assez théorique. En fonction des impacts associés aux risques auxquels est exposée son organisation, le dirigeant décide de couvrir ou non ces risques avec des solutions de continuité adaptées. C’est le principe de l’assurance. On ne met pas en place les mêmes solutions de repli pour répondre par exemple, à un accident nucléaire (si on est proche d’une centrale) et pour faire face à l’indisponibilité du 2ème étage de son siège social… En revanche, choisir un scénario assez impactant permet de couvrir des risques de moindre intensité.

Pour savoir si le PCA est opérationnel hors situation réelle : il n’y a qu’un seul critère : le test. Mais là encore, il faut se garder des exercices trop limités ou trop conventionnels. Un bon exercice, c’est celui qui démontrera qu’il aura été plus loin que celui mené l’an passé et qui aura confirmé que les recommandations du Retour d’expérience RETEX ont bien été mises en œuvre. Peu d’entreprises malheureusement adoptent une telle approche, souvent pour ne pas déstabiliser le management, alors que c’est justement ce qui est attendu.

Côté humain, quels profils solliciter pour créer et mener un PCA ?

Un bon chef de projet PCA est avant tout un fin connaisseur de son entreprise : les contraintes organisationnelles, la réalité de la production, les exigences clients... Il maîtrise les réseaux officiels et officieux de prise de décision. Il connaît les parties prenantes externes. Il bénéficie surtout du sponsorship d’un membre du COMEX de l’entreprise.

Le change management a-t-il un rôle à jouer dans l’amélioration de l’implémentation du PCA ?

Bien sûr : c’est toute notre conviction !
C’est lors de la phase de maintenance du PCA que l’on observe parfois une forme de routinisation du dispositif, une gestion purement administrative du plan. Il faut savoir les dépasser en engageant une démarche collective et mobilisatrice. La continuité d’activité, c’est l’affaire de tous ! Viser la survie de l’entreprise en situation dégradée nécessite de remettre en question de façon permanente les organisations de continuité définies. La situation actuelle liée au Coronavirus le montre bien : il faut faire bouger les lignes.

Quels outils du change management sont alors sollicités ?

En l’occurrence nous avons mis en place avec notre partenaire InsideBoard une plateforme digitale innovante. L’objectif de cette conduite du changement, c’est de construire de la transversalité entre tous les métiers et aussi avec les fonctions support (notamment RH, SI et immobilier) qui vont intervenir de manière opérationnelle. C’est pourquoi à travers ce réseau, on y partage de l’information et des bonnes pratiques, comme dans une cellule de crise virtuelle. En mode « pushs d’alerte », nous produisons du contenu, mettons en place des challenges pour motiver des équipes distantes et, grâce à de l’intelligence artificielle, nous avons également la capacité de valoriser certains acquis ou axes d’amélioration. Tout cela fonctionne à travers une communauté de référents PCA.

Quelle place pour le retour d’expérience dans un PCA ?

Le Retour d’expérience est central dans un dispositif PCA. Un RETEX doit être réalisé suite à un exercice ou une situation réelle. Il a pour objectif de définir sur la base de l’observation, un certain nombre de constats qui donneront lieu à des recommandations. Ce qui distingue un rapport d’audit interne, par exemple, d’un RETEX c’est que dans le second cas, nous sommes placés dans une approche d’apprentissage collectif. Ce qui exige en particulier de communiquer largement sur les dysfonctionnements qui sont au cœur de ce dernier, à la fois issus des opérationnels et de la gouvernance. J’ai souvent eu l’occasion d’assister à des réunions de restitution de RETEX au cours desquelles la Direction générale prenait devant les collaborateurs les points relevant de sa responsabilité et s’engageant à initier des actions d’amélioration. D’ailleurs dans la plupart des cas, les RETEX sont obligatoires : ils permettent aussi de formaliser et de garder la mémoire collective des bonnes pratiques opérées sur le terrain.

L’affirmation de Nelson Mandela « Je ne rate jamais : soit je gagne, soit j’apprends », est-elle une réalité dans votre domaine ?

J’aimerais beaucoup pouvoir affirmer cela… Mais non. Certaines crises mal gérées sont aujourd’hui devenues des cas d’école de « ce qu’il ne faut pas faire » pour éviter une réputation durablement compromise, la perte de confiance des clients etc. La prise de conscience du risque de basculer à tout moment crée d’ailleurs de l’adrénaline en cellule de crise. Mais il faut aussi accepter que certains dirigeants aient du mal à prendre les bonnes décisions dans ces contextes de forte déstabilisation.

Le monde entier traverse une crise sans précédent, quelles sont vos recommandations en ces temps mouvementés ?

Mes clients sont des responsables de Gestion de crise et du PCA : ils doivent faire preuve de pragmatisme et éviter que tout le monde sombre dans la panique. Mais leur rôle est aussi de conseiller leur Direction générale sur le Worst case scenario : « Serions-nous prêts si… ». Cette posture n’est pas toujours évidente d’autant que la continuité d’activité appelle un certain nombre de décisions managériales compliquées : choix de ne plus maintenir certains business, activité partielle, dégradation de la qualité... Ma recommandation c’est donc avant tout d’être soi-même résilient.

En conclusion : le PCA, une dictature des règles à suivre ou une démocratie participative ?

Les deux… Tout dépend du moment auquel on se trouve. En temps de paix, il s’agit de faire remonter toutes les bonnes idées et ce, à tous niveaux hiérarchiques, permettant d’optimiser un dispositif visant à faire fonctionner une organisation sans ses ressources clés (humaines, matérielles, techniques, prestataires…). En revanche, la gestion de crise réelle nécessite l’application stricte de règles définies. Par exemple, la communication doit être étroitement « verrouillée » de manière à éviter des initiatives anarchiques et contre productives.

 
 
 
 
 

 
 
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